Pourquoi concevoir de manière responsable en tant que designer ? 1/2

Pourquoi est-il important de s’intéresser aux impacts du numérique ? Quel est l’état des lieux du numérique responsable et de l’éco-conception ? Comment concevoir de manière responsable, en tant que designer ?

Vous avez sûrement déjà entendu parler de termes comme le numérique responsable, green IT, IT for green, l’éco-conception ou encore l’accessibilité… L’accessibilité, en France avec le RGAA, comme à l’international avec le WCAG, bénéficie déjà de règlementations et de référentiels bien établis. Le numérique responsable, avec notamment le label l’INR (institut du Numérique Responsable) commence à émerger en France et en Europe.

Le numérique est aujourd’hui décrit par des mots comme cloud (nuage), cookies, virtuel, dématérialisé… Ces mots donnent l’impression que le numérique est invisible, immatériel, voire sympathique (je vous vois, partager des gifs de chats mignons !).

Comme vous vous en doutez, les technologies que nous utilisons au quotidien sont loin d’être anodines. On avait d’ailleurs organisé une journée de formation sur le thème du changement climatique & éco-conception. Le numérique a un impact grandissant sur l’environnement, ainsi que les personnes qui y travaillent et qui l’utilisent. Depuis les mines d’où sont extraites les matières premières jusqu’à la fin de vie de nos équipements.

Étude de l’impact écologique & humain du numérique

Comment concevoir de manière responsable en tant que designer ? Avant de se pencher sur les aspects pratiques, il convient de revenir sur les impacts du numérique. À la fois sur l’environnement, mais aussi sur les aspects humains et sociaux.

Impacts écologiques du numérique à connaître pour concevoir de manière responsable en tant que designer.

Cette série de chiffre est plus qu’alarmante et indique que le numérique est l’un des secteurs économiques qui connaît la plus grande croissance :

  • Selon l’Ademe et l’Arcep, les services numériques sont responsables de 10% de la consommation électrique française, et de 2,5% de l’empreinte carbone de la France.
  • En 2023, Le numérique représente 3,5% des émissions de GES mondiaux (gaz à effets de serre) et connaît une croissance annuelle de 6% (ADEME)
  • La consommation énergétique du numérique a plus que doublée depuis 2007. C’est le secteur qui connait la plus forte hausse avec une augmentation actuelle annuelle de 9% de consommation d’énergie de nos systèmes numériques (étude OPIEEC)

En dehors des émissions de GES, les équipements numériques ont un impact écologique considérable. Quand on parle des impacts environnementaux, on fait ce qu’on appelle une analyse du cycle de vie. C’est une approche multi-critères et normée. Elle permet d’évaluer les impacts, de l’extraction des matières premières à la fin de vie d’un objet ou d’un service.

Ce qu’il faut retenir pour concevoir de manière responsable en tant que designer.

Emissions du numérique et décomposition par catégorie d’objet et par phase du cycle de vie. Source : feuille de route de décarbonation de la filière numérique

L’étape la plus impactante est la fabrication des équipements. Elle est de l’ordre de 60 à 90% selon l’indicateur considéré (épuisement des ressources, des ressources fossiles, émissions de CO2, radiations ionisantes). Viennent ensuite les centres de données, puis les réseaux. On vous conseille la lecture de la note de synthèse de l’étude menée par l’ADEME et l’Arcep.

Source : https://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/etude-numerique-environnement-ademe-arcep-note-synthese_janv2022.pdf

Impacts humains du numérique à connaître pour concevoir de manière responsable en tant que designer.

Impacts humains lors de la fabrication des terminaux.

Comme vous l’aurez compris, la phase de fabrication, en particulier des terminaux utilisateurs, est celle qui a le plus d’impact, également sur le plan humain.

Prenons l’exemple de la République Démocratique du Congo, qui concentre 60% des réserves de cobalt, ou encore 80% des réserves de coltan. Entre autres, l’extraction de ces minerais conduit au travail forcé de 40 000 enfants. Cela mène aussi à des conflits armés, et même à la mort de 60 millions de personnes depuis la fin des années 90. Cet article contient le témoignage de David, un réfugié de ces mines.

Les téléphones modernes nécessitent de plus en plus d’éléments, dont la criticité ne fait qu’augmenter avec le temps (source : La guerre des métaux rares).

Si le sujet des minerais est flou pour vous, on vous conseille plus que vivement de visionner La guerre des métaux rares . Une conférence Guillaume Pitron qui a mené une enquête dans le monde entier, pour retracer la vie d’un minerais. Il traite à la fois du numérique et de la transition énergétique, deux domaines intimement liés.

Impacts sociaux à l’usage à connaître pour concevoir de manière responsable en tant que designer.

Au niveau des impacts sociaux, à l’usage, le baromètre numérique de l’ARCEP et l’ADEME nous apprend que :

  • Un tiers du temps éveillé est passé sur un écran.
  • Plus d’une personne sur deux ne pourrait pas se passer d’internet plus d’une journée sans que cela lui manque.
  • Les foyers français ont 10 écrans en moyenne, dont 2.5 qui ne sont pas utilisés.
  • 54% des Français (+16%) éprouvent au moins une forme de difficulté qui les empêche d’effectuer des démarches en ligne.
  • 44% des Français pensent que le numérique représente une menace pour l’environnement et le développement durable, alors que 38% des sondés y voient quant à eux une chance.
  • En dix ans, la tendance s’est inversée, avec 53% des sondés qui envisageaient le numérique comme une chance, et 35% comme une menace.

À l’heure où toutes les démarches en ligne se multiplient, il se creuse un fossé, appelé l’illectronisme. Selon le [gouvernement](https://www.gouvernement.fr/actualite/comment-agir-contre-l-illectronisme#:~:text=Il s’agit de la,à propos de leur fonctionnement.), il s’agit de la difficulté, voire l’incapacité, à utiliser les appareils numériques et les outils informatiques. Cela en raison d’un manque ou d’une absence totale de connaissances à propos de leur fonctionnement.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, l’illectronisme ne touche pas que les personnes âgées. Il y a même 17% de la population française est concernéeselon l’Insee. Les jeunes, malgré leur usage intensif des réseaux sociaux & des smartphones, manquent de compétences et sont parfois victimes de précarité. On peut qualifier cela de “fracture numérique”, notamment pour les démarches en ligne. Manque de clarté des sites, manque de connaissances sur les démarches administratives, pas de compétences pour utiliser un tableur. Cela précarise les demandeurs d’emplois qui n’ont pas ou peu de compétences en numérique. La France se situe d’ailleurs en 13ème position en Europe en terme d’illectronisme chez les 16-29 ans, selon l’institut européen de statistique Eurostat

📌 Pour aller plus loin sur les impacts écologiques et humains du numérique

État de l’art du numérique responsable et de l’éco-conception en France

La feuille de route “numérique et environnement” pour concevoir de manière responsable en tant que designer.

L’état Français se montre très dynamique, même précurseur. Il oeuvre pour la mise en place de référentiels sur le secteur du numérique responsable. Ce travail a été initié grâce à la naissance d’une feuille de route “numérique et environnement”, crée par Le comité pour le numérique éco-responsable (HCNE). Cette feuille de route, qui fait converger la Transition énergétique & écologique, et la Transition numérique, a été construite autour de 3 Axes. Ceci afin de viser la neutralité carbone de l’Europe en 2050.

Cette feuille de route s’appuie sur une étude majeure, conduite par l’ARCEP et l’ADEME, sortie en Mars 2023 : L’évaluation prospective de l’ADEME et l’ARCEP sur l’impact environnemental du numérique en 2030 et 2050.

Si on continue comme aujourd’hui, 3 chiffres sont à retenir sur le secteur à horizon 2030 :

  • L’empreinte carbone du numérique en France : progression d’environ + 45% (pour atteindre 25 Mt COeq)
  • La consommation de ressources abiotiques (métaux et minéraux) : + 14 %
  • La consommation électrique finale en phase d’usage : + 5 % (pour atteindre 54 TWh par an).

Récemment, la feuille de décarbonation (pdf) du secteur numérique est sortie (le nom a l’air d’avoir changé entre-temps), en juin 2023. Elle va de paire avec la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC). Cela comporte notamment un volet sur l’utilisation des technologies numériques pour réduire l’empreinte d’autres secteurs et des actions pour l’éco-conception.

Exemple de mesures proposées par la Feuille de décarbonation et qui nous concerne : l’écoconception logicielle

Le référentiel général d’éco-conception de services Numériques (RGESN) et les aides de l’état

Avec la sortie récente de la version 1 du RGESN, côté éco-conception, et d’un guide de bonnes pratiques sur le numérique responsable, l’état ouvre la voie pour que chaque organisation puisse s’approprier ces sujets, de manière pratique.

L’état aide également financièrement les projets autour du numérique responsable :

  • Via ECONUM qui est un appel à projet tout récent destiné aux entreprises privées comme publiques, collectivités et associations
  • Via un guichet Numérique Responsable, adressé aux administrations & opérateurs d’état

Et les entreprises, où en sont-elles ?

L’étude de l’OPIIEC “Besoins en compétences, emploi et formation en matière d’empreinte environnementale du numérique” dresse un bilan de la maturité des acteurs économiques en terme d’appropriation de ce sujet, de pratiques et de besoins. En voici un condensé :

La sensibilisation, un premier levier plutôt acquis

En France, actuellement, les entreprises s’axent principalement sur la sensibilisation de leurs salariés, les achats d’équipements numériques responsables, l’organisation d’événements comme le Digital CleanUp Day, et la gestion des DEEE (déchets électroniques). Ces actions se mènent principalement en interne.

Quelles sont les motivations pour se lancer dans le numérique responsable ?

Les principales motivations pour se lancer dans le thème du numérique responsable sont la réduction des coûts (énergie, achats d’équipements), la déclinaison de la stratégie RSE aux services IT, l’anticipation des règlementations (cf en France les lois REEN et AGEC). Pour le moment, seuls les services publics et les collectivités sont contraints d’obligations légales, mais à l’image de l’accessibilité et du RGAA, on peut aisément imaginer dans un futur proche une extension pour les entreprises privées.

Quels sont les freins pour débuter une démarche numérique responsable ?

En freins, il est difficile pour l’instant de vendre des prestations de conseil de ce type. Les formations restent plutôt timides, se concentrent sur la sensibilisation (via des fresques du numérique, par exemple), des moocs, de la veille, et quelques formations métier, qui ne sont pas diplomantes et assez peu répandues. Aussi, il faut que la direction soit encline à se lancer dans ce genre de projets, dont le ROI et la mesure restent encore assez flous et peu standardisés.

Conclusion

Après avoir posé les bases et s’être sensibilisé de manière globale sur les enjeux environnementaux, on passe à la pratique !

👉 Rendez-vous ici pour le guide de conception responsable du Design
👉 Et là pour le guide du Product Management responsable

📌 Pour aller plus loin sur l’état de l’art du numérique responsable en France

Laïla
Tamani

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