Comment accompagner l’agilité à l’échelle des organisations si les process RH qui structurent la gestion des talents restent figés et peu adaptables ? C’est tout l’enjeu de maintenir ou non le format actuel de l’entretien annuel d’évaluation. Analyse post mortem de ce modèle d’évaluation de la performance.
RH et agilité : aïe, aïe, aïe !
L’environnement actuel des organisations – volatile, incertain, complexe et ambiguë – a clairement impacté la façon de gérer les entreprises.
Et la meilleure réponse trouvée à ce contexte est… l’agilité ! Réponse garantie sans aucun parti pris quand on travaille – comme moi – avec une équipe d’agilistes .
Pour les non initiés : l’agilité, c’est à dire la capacité pour les structures à se transformer, se réorienter rapidement pour s’adapter aux évolutions de leur environnement. Concrètement, cela se traduit par un fonctionnement en cycles courts – cycles qui répondent facilement aux changements de besoin des clients et qui permettent le droit à l’erreur et donc l’apprentissage.
Les équipes informatiques et digitales se sont assez vite emparées de l’agilité et de ses différentes méthodes. Côté RH, l’adoption semble plus laborieuse. La plupart des process RH suivent un processus linéaire, peu flexible et top-down. Le premier d’entre eux : l’entretien annuel d’évaluation.
Difficile pour les équipes RH d’accompagner l’agilité à l’échelle…. quand le process d’évaluation de la performance reste figé et peu adaptable. Il est donc temps de repenser voire d’enterrer l’entretien annuel d’évaluation… RIP !
Les limites actuelles de l’entretien annuel d’évaluation
L’entretien annuel d’évaluation est conçu dans bons nombres d’entreprises comme un rendez-vous annuel dédié à la fixation d’objectifs et l’appréciation des résultats. C’est donc une évaluation des performances des collaborateurs sur un cycle long, qui s’impose à tous chaque année.
Or, les salariés sont aujourd’hui engagés sur des projets plus court terme et de longueurs différentes… Le principe de la période d’évaluation figée sur une année est donc limitante et peu adaptée aux organisations agiles. Il est également peu en phase avec les attentes de la nouvelle génération de salariés demandeuse d’instantanéité et de reconnaissance continue.
Autre limite liée aux structures plus horizontales des entreprises. Les managers sont de moins en moins au contact de leurs équipes. Les collaborateurs rencontrent plus souvent leur équipe projet ou leur client que leur responsable hiérarchique. L’entretien d’évaluation annuel avec un seul supérieur hiérarchique perd donc ici tout son sens.
L’entretien annuel d’évaluation : une obligation légale ?
Contrairement aux idées reçues, l’entretien annuel d’évaluation est facultatif pour la majorité des organisations ! L’entreprise a donc son libre arbitre : choisir de le mettre en œuvre ou de le supprimer (s’il existe déjà).
Toutefois, certaines conventions collectives peuvent prévoir une telle procédure. Dans ce cas, l’entretien annuel s’impose à l’employeur et il doit respecter les conditions prévues dans la convention collective : fréquence, déroulement. Désolé… si vous fonctionnez comme nous avec la convention SYNTEC, il va falloir faire avec mais rien ne vous empêche d’adapter votre pratique !
Petite précision : attention aux confusions, l’entretien annuel d’évaluation n’est pas l’entretien professionnel, qui, lui, doit être obligatoirement réalisé tous les 2 ans. Ce dernier réalise un bilan des compétences du salarié, identifie ses perspectives d’évolution professionnelle et ses besoins de formation.
Réinventer les pratiques d’évaluation de la performance
A l’instar de Google, Starbucks, Gap, Netflix ou encore Allo resto, certaines organisations sont passées à l’action. Elles ont adopté de nouveaux modèles d’évaluation de la performance :
- rendez-vous plus réguliers (trimestriel, mensuel),
- évaluation à l’issue de chaque projet,
- évaluation 360° collective par l’ensemble de ses collaborateurs directs – une pratique que nous avons systématisée chez Monsieur Guiz à tous les niveaux (même notre CEO y passe !)
- mise en place d’outils digitaux de feedbacks,
- déploiement des OKRs.
Des pratiques qui visent plutôt le contrôle continu que l’examen final.
Prenons l’exemple de Mazars, acteur international, d’origine française, de l’audit et de la comptabilité.
L’entreprise a déployé un système de feedback permanent grâce à l’outil digital Workday – qui collecte et envoie des retours spontanés entre managers et salariés ou pairs. L’outil permet également de bénéficier à la demande du salarié d’un feedback à 360° de l’ensemble de ses collaborateurs et collègues.
Avant de le généraliser à toute l’organisation, Mazars a testé son nouveau dispositif auprès d’un petit échantillon de salariés (80 sur 3300).
Money, money, money…
L’entretien annuel conditionne souvent les augmentations de salaire ou les primes d’atteinte d’objectifs.
La gestion agile de la rétribution inspire plutôt les récompenses instantanées, qui renforcent les feedback immédiats.
Ainsi, la chaîne de magasins américain Macy’s préfère allouer aux managers un budget pour octroyer des bonus ponctuels.
Ces bonus permettent de valider les contributions quand elles arrivent, plutôt que des primes de fin d’année. Ces dernières sont souvent dé-corrélées temporellement des succès des salariés.
La négociation salariale fait, elle, l’objet d’une discussion dédiée en dehors du process d’évaluation.
Et surtout : repenser le rôle du manager
Au delà de faire évoluer leurs propres pratiques, les équipes RH se doivent surtout d’accompagner les managers vers leur nouveau rôle.
“Le manager est un professionnel de la performance des autres”
Philippe Gabilliet
Le manager passe d’une fonction de manager-évaluateur périodique à un rôle de coach régulier.
Il lui appartient désormais de développer les compétences des collaborateurs et les faire progresser dans un environnement professionnel de plus en plus instable.