J’ai eu l’occasion d’interviewer Estelle Aubouin, arrivée en tant que première PM chez En Voiture Simone, solution d’auto-école en ligne en pleine croissance.
Estelle nous raconte ses premiers chantiers au produit, et comment elle prépare la phase de Scale !
Quelques chiffres sur En Voiture Simone :
- Créée en 2015
- Déjà 130 707 utilisateurs
- 83% de taux de réussite au code de la route
- Note des enseignants 9,6/10 (l’élève note chacune de ses leçons)
- Notée 9/10 par ses utilisateurs sur « avisvérifiés.com » (304 avis)
- Un marché qui compte 1 million de permis par an en France
Quel est ton parcours et comment es-tu arrivée chez En Voiture Simone ?
J’ai mis du temps à trouver ce que j’aime faire car j’aime faire plein de choses ! C’est aussi pour cela que le Product Management me plaît beaucoup. J’ai d’abord fait des études en Marketing jusqu’à bac +5 au CELSA. Lors de mon dernier stage là-bas à Publicis sur la partie planning stratégique, je me suis rendu compte que je ne voulais pas du tout faire cela. J’ai donc essayé de monter une boîte avec un ami sur un concept déjà existant. Il s’agissait d’un site ecommerce destiné à envoyer des produits du terroir français aux expatriés. Cette expérience d’un an et demi fût surtout l’occasion d’aller au Wagon car j’avais appris à coder seule étant ado mais ce n’était pas suffisant pour gérer tout un site. J’y ai rencontré Edouard Rudolf qui est notre CEO. Cette année-là j’ai compris que le marketing ne me suffisait pas et je suis repartie en études à l’ESSEC faire le programme grande école. Je ne suis sorti qu’en 2017 car j’ai fait de l’apprentissage chez Capgemini Consulting pendant 2 ans.
Un passage dans le conseil donc, qu’y as-tu appris ?
Plein de choses, dont le fait que je ne voulais pas travailler dans une grosse boîte ! J’ai aussi appris à être très carré dans le process et la gestion du client. Cela m’a donné de la légitimité sur plusieurs sujets et c’est utile aujourd’hui notamment dans la gestion de projets. Puis 2017 a été une autre année charnière où j’ai fini par me réorienter vers le Product Management en reprenant contact avec Édouard Rudolf (CEO).
Je suis arrivé comme première PM chez En Voiture Simone. C’est avec lui et Édouard Polese (co-founder & COO) que nous avons construit le poste. Ils avaient pour idée de prendre quelqu’un pour faire des maquettes, je suis passé par toute une phase de structuration et de définition de la roadmap. Lorsque je suis arrivé il y avait dans l’équipe tech deux développeurs et le CTO mais pas d’agilité, nous avons construit cela ensemble sur les trois premiers mois puis mis en place des méthodologies agiles en septembre.
Par quoi avez-vous commencé ?
Par des sprints de deux semaines et la mise en place de premiers rituels de sprint planning en en faisant un tous les lundis. Aujourd’hui la vélocité est encore un de nos gros enjeux. Les choses n’ont peut-être pas été faites dans l’ordre car nous voulions sortir l’application en mars dernier puis se structurer avec des sprints propres, des Story Points et autres.
Qui contribue au backlog et gère le sprint planning ?
Sur le sourcing c’est assez ouvert, généralement je centralise mais on passe par un comité produit, tout le monde participe au sourcing mais c’est moi qui récolte les avis. J’ai des points hebdomadaires avec la responsable du service client pour le côté élève et les responsables de la supply pour le côté enseignant. Ces responsables me communiquent des feedbacks sur les problématiques rencontrées par les clients, mais aussi beaucoup d’idées de quickfix. Il y a donc une première récolte puis nous avons mis en place Harvestr qui nous permet de gérer nos priorités.
Aujourd’hui tu travailles le Product Discovery avec les personnes en contact avec vos deux users ?
Oui car ils sont en contact permanent avec les clients et ont une grande légitimité. Harvestr me permet de mieux comprendre les problématiques et de penser résultats plus que moyens.
Il y a autre chose de très intéressant qui donne beaucoup d’idées, il s’agit du service client. Chaque personne de la boîte passe une demi-journée par mois au support client, toute la boîte y participe y compris les développeurs. Ceci depuis 2-3 mois. Ainsi ils connaissent mieux le produit et les problématiques clients, ils ont donc plus d’idées. Récemment nous avons fait pas mal de QA tous ensemble, cela a été assez riche !
Notre marketplace est intéressante car d’un côté il y a les élèves en B to C avec beaucoup de volume dans les retours et la nécessité d’un grand nombre de tickets pour faire remonter une problématique. De l’autre les enseignants, souvent très investis, que nous pouvons facilement rencontrer pour faire des focus groups.
C’est toi qui organises ça ?
Oui ! Lors des focus groups nous prenons une problématique de produit précise que nous voulons lancer et nous la soumettons. Par exemple une feature de livret d’apprentissage digital. C’était assez laborieux à remplir pour les enseignants car il n’y avait pas une très bonne expérience utilisateur. Récemment nous avons donc fait un focus group exploratoire pour travailler sur une solution d’application enseignant avec sensiblement les même features. Nous nous projetons sur les prochaines features à développer, je leur ai montré un prototype sur un écran de manière à avoir une première validation de la navigation dans l’application et une ouverture sur les fonctionnalités à développer. Les focus groups sont assez centrés sur les features mais restent ouverts et exploratoires.
Qu’est-ce qu’il s’y passe dans ce comité produit ?
Pour l’instant il n’est pas très structuré, nous y faisons finalement la revue de ce que j’ai trouvé pertinent. Je fais figure de premier filtre. Le comité produit fait aussi une partie du sourcing sachant qu’il y a le CEO et le COO, il est donc possible qu’on arbitre des points non évoqués auparavant.
Il est là pour valider un résultat ou une problématisation. Dans la solution, nous voulons que le PM soit owner et qu’une personne s’occupe de l’UX. Pour l’instant il y a un léger déséquilibre et une certaine prise de liberté mais un CMO va nous rejoindre en août, cela devrait évoluer. L’idée est que les parties prenantes métier fassent le design de la solution sans avoir de fonctionnement top down qui bloque ceci. Pour l’instant nous fonctionnons en “consensus”, tout le monde doit croire en la solution. En matière d’UX il y a tellement de façons de faire que si deux points de vue divergent, un troisième tranchera. Lorsque mon point de vue diverge avec le designer, l’idée est de tout arrêter pour converger vers une alternative qui nous plaise.
Avez-vous déjà structuré la mesure de l’intérêt à porter aux différents sujets ?
Nous avons la connaissance métier pour le moment mais il y a un intérêt à rajouter des outils comme Harvestr ou Zendesk. Ainsi nous avons une idée plus quantitative des problématiques sur lesquelles nous passons du temps. Il y a aussi un travail côté supply, pour l’account management côté enseignant on regarde les problématiques qui génèrent le plus de pain points. Nous essayons de passer outre la partie qualitative, connaissances métier et feeling personnel, pour l’appuyer d’un point de vue quantitatif. Il n’y a pas encore de framework à proprement parlé. Nous sommes en train de nous structurer progressivement.
Comment déterminez-vous vos features ?
J’ai essayé de mettre en place un PRD (Product Requirements Document) par feature mais nous en sommes même à un PRD par quickfix.
C’est important car on a toujours eu la rigueur de prendre du recul sur les features mais pas sur les quickfix, nous codions trop rapidement et cela posait des problèmes. Une fois cette première grande partie d’identification terminée nous passons à une partie design. Nous explorons, identifions et validons des pistes. C’est une partie assez démocratique selon la taille de la feature, globalement nous sommes au moins 2 à en discuter. Je fais toujours intervenir Vincent, notre Brand Designer pour en discuter ensemble. Lors de grosses features tout le monde intervient. À partir du moment où on commence à creuser une piste, les spécifications et le zoning interviennent assez vite et nous faisons pas mal d’itérations dessus, mais nous ne faisons plus de maquettes HD.
Pourquoi n’en faites-vous plus ?
Elles étaient à ma charge mais j’ai arrêté faute de temps. Nous en avons encore besoin sur un court terme jusqu’à avoir l’UI kit. Un UX Designer se chargera du zoning avec le PM mais il fera intervenir le Brain Designer lorsqu’il y aura besoin de créer de nouveaux éléments. À moyen terme nous ne devrions plus avoir besoin de maquettes, le zoning suffira car nous aurons des bibliothèques de composants, d’icônes, d’images etc…
Vous penchez-vous sur des problématiques de Design System en corrélant le code à l’UI kit ?
C’est ça, actuellement nous sommes en transition technique, nous utilisons un framework nommé Ionic. Nous sommes en train de tout re coder sous la forme de composants pour que tout soit modulable. L’UI viendra par-dessus. L’idée est que chaque création de composant passe par une validation du Brain Designer qui va déterminer la manière dont se comporte le composant. Nous implantons cela de manière progressive.
Comment validez-vous le fonctionnement de la solution ?
Une fois que les spécifications sont faites, le CTO fait une présentation en amont aux développeurs qui vont travailler sur les solutions. Il y récapitule le travail de problématisation que j’ai pu faire ainsi que le travail de zoning pour justifier les spécifications et poser un maximum de contexte. Puis les tickets sont découpés dans Jira et on attribue les rôles. J’interviens pas mal dans ces rituels, je fais aussi la QA et les développeurs y sont sensibilisés, même si on tend à automatiser cela. Nous aimerions bien mettre en place des temps pour la QA, à la manière de jeux. Ainsi les développeurs se sentiraient plus meneurs de la solution.
Comment exploitez-vous votre Data ?
Nous avons Google Analytics, Kibana et Wootric qui nous permettent d’analyser des données. Pour le moment tous les pôles commencent à avoir leur dashboard et à pouvoir suivre les KPI qui leur conviennent. Nous avons découpé le cycle utilisateur notamment chez les élèves car il y a pas mal de démarches administratives qu’ils doivent réaliser eux-même en tant que candidats libres, la customer journey est donc morcelée. L’idée est d’avoir le plus de DATA possible, nous allons commencer par du NPS (Net Promoter Score).
Vous allez faire grandir l’équipe Produit, et de ce fait attribuer des périmètres? Quelle est ta vision du futur découpage produit ?
Nous nous étions penchés sur un découpage très fonctionnel. Il y a la partie enseignants, élèves, administration et il y a aussi le site vitrine que nous allons surement sortir de la partie produit. Notre but est que le marketing soit totalement autonome sur le site vitrine. Pour le découpage fonctionnel sur les trois autres parties, nous n’avons rien statué, je pense qu’il y aura une feature ou un grand chantier par PM. Ce n’est pas ce que je préfère dans l’idée car j’aime bien que chacun soit spécialiste sur son périmètre mais ça n’aurait pas trop de sens d’attacher un PM à une partie en sachant qu’il y a un déséquilibre sur la “charge” que représente chaque chantier. Nous attendons aussi de connaître les profils de nos futurs PM qui pourront influencer notre découpage.
Justement en parlant de recrutement : Pourquoi les gens vous rejoignent ? Quelle est la culture d’entreprise ?
Nous avons fixé nos valeurs avec des thématiques mais il nous reste à placer des mots sur celles-ci. En Voiture Simone est vraiment une des boîtes avec lesquelles je colle le mieux par rapport aux valeurs d’esprit d’équipe, d’honnêteté et de bienveillance. Tout le monde est très embarqué, notamment depuis que nous avons des objectifs plus clairs. En terme d’esprit d’équipe, ce que j’apprécie c’est que nous avons découpé un tas de résultats. Pour l’instant nous n’avons pas d’OKR mais il faut que nous ayons quelque chose qui y ressemble. Nous avons une vision court terme pour août avec des axes définis et priorisés, pour chaque axe il y a des objectifs. Ensuite, des résultats sont présentés tous les mois avec une personne porteuse qui n’est pas forcément liée au sujet. La répartition se fait par appétence des personnes sur tel ou tel sujet sans qu’elles aient forcément travaillé dessus. L’esprit d’équipe se traduit bien à travers cette confiance attribuée à tout le monde. De manière plus banale nous faisons des soirées, du sport, des jeux, des anniversaires et j’ai aussi pour objectif de tester tout ce que propose Gymlib. Nous organisons aussi un séminaire annuel avec une destination surprise. Nous passons beaucoup de temps ensemble et le feeling est très important, cela a déjà compliqué nos recrutements car nous n’arrivions pas à le mesurer, c’est pour cela que nous avons revu notre process.
Quel est votre process de recrutement maintenant ?
Nous passons par Welcome to the Jungle où nous commençons directement à poser des questions, ce qui fait office de premier filtre. Puis nous avons un call de 30-40mn pour vérifier que tout va bien, que le poste est bien compris et qu’il n’y ait de perte de temps pour personne. Ensuite il y a un entretien métier avec un cas pratique, puis un tour de fit pour voir si la personne colle avec nos équipes, et enfin un entretien avec les fondateurs.
Pour finir, as-tu des lectures ou autres contenus à conseiller ?
Oui, personnellement je fonctionne beaucoup aux podcasts, “la French Touch” et “Growth Makers” sont pour moi les deux à écouter. Concernant les lectures, j’aime beaucoup la sociologie, “Internet Actu” n’est pas beaucoup cité mais est un blog très intéressant à propos de mutations très profondes, de sociologie des usages et de nouvelles pratiques. À côté de cela je lis des blogs plus classiques tels que TechCrunch, Maddyness ou encore Usbek et Rica qui n’est pas beaucoup cité.
MERCI ESTELLE !
Pour postuler :
https://www.welcometothejungle.co/fr/companies/en-voiture-simone/jobs