Quand on arrive dans un pays étranger, notre objectif premier est de pouvoir s’intégrer au plus vite, que ce soit dans la vie sociale, le monde du travail ou même la culture culinaire. La langue est un élément essentiel qui permet d’éliminer les barrières. Étant donné que la langue française fait partie des langues les plus rapides au monde (en 3e position au classement), j’étais soulagée de pouvoir compter sur certaines aides comme le sous-titrage à la télévision pour pouvoir regarder et comprendre mes films favoris ou tout simplement les infos.
J’ai appris plus tard que cette fonctionnalité était destinée aux malentendants, mais beaucoup de personnes l’utilisent pour des raisons qui ne sont pas forcément liées à un handicap.
Le principe du design inclusif est d’inclure tout le monde dans le design process d’un produit et dans son utilisation, les personnes valides comme les personnes invalides. Un produit inclusif est bien évidemment accessible, mais aussi utilisable par tous et s’adresse à tous.
La définition de l’inclusion
En France, 12 millions de personnes sont en situation de handicap permanent, dont 9 millions en situation de handicap invisible. Cela représente 20% de la population, voir 40% de la population si l’on englobe les personnes en situation de handicap temporaire ou situationnelle.
Nous pouvons ainsi distinguer 3 types d’invalidité :
Permanente : mental, auditif, visuel, moteur, psychique…
Situationnelle : lié à des perturbations de notre quotidien (ex : être dans l’aéroport avec toute la nuisance sonore environnante, les parents de jeunes enfants passent leur journée à n’utiliser qu’une seule main…)
Temporaire : des accidents et des situations exceptionnelles de la vie qui peuvent survenir, même de courte durée (ex : regarder une lumière vive, avoir le bras plâtré…)
Et puisque l’inclusivité ne concerne pas que les personnes invalides, voici les 12 dimensions à prendre en compte pour entreprendre une démarche inclusive et sans stéréotype (selon une étude réalisée par google) :
- Âge
- Genre
- Race et ethnicité
- Sexualité
- Caractéristiques physiques
- Caractéristiques cognitives
- Invalidité permanente, situationnelle ou temporaire
- Langage et culture
- Religion
- Education
- Opinions politiques ou philosophiques
- Contexte socio-économique
Quelle est la différence entre le design inclusif et l’accessibilité ?
Le design inclusif est une méthode de conception qui permet de tirer parti de toute la diversité humaine. Alors que l’accessibilité est un attribut, c’est un ensemble de qualité et une discipline professionnelle qui rendent une expérience ouverte à tous.
Le design inclusif ne consiste pas à dire qu’il faut créer une seule expérience pour tout le monde mais au contraire, à concevoir une diversité de moyens pour que chacun puisse participer à une expérience avec un sentiment d’appartenance.
Contrainte ou avantage ?
D’un point de vue business, le design inclusif permet de toucher le plus grand nombre d’utilisateurs et donc d’étendre la vision du produit et de l’expérience utilisateur pour atteindre un marché encore plus conséquent.
Pour un designer, c’est une source d’apprentissage, qui requiert de l’empathie à une grande échelle, mais c’est aussi la garantie d’un produit utilisable par tous car si une personne, dans une situation d’invalidité, est capable d’utiliser facilement votre produit, il sera facile d’utilisation par tous.
Beaucoup de produits ont été conçus pour des personnes invalides, mais leur usage s’est spontanément étendu pour inclure tout type d’utilisateur sans distinction, voici quelques exemples :
Les livres audio :
Au XXe siècle, le livre audio a été créé d’abord pour la jeunesse et pour un public de malvoyants. Depuis les années 80, le livre audio se développe avec la pratique du divertissement en situation de mobilité.
La machine à écrire :
L’un des premiers prototype a été conçu dans les années 1800. La comtesse Carolina Fantoni da Fivizzano, qui était amie et amante de l’inventeur italien Pellegrino, avait perdu lentement la vue à une époque où la seule façon pour une personne aveugle d’envoyer une lettre est de dicter sa note à une autre personne, qui transcrivait le message sur un papier.
Afin de préserver la confidentialité de leurs communications, les deux amoureux ont inventé une machine qui permettait d’écrire en appuyant sur une touche correspondante à une lettre.
Dans le même ordre d’idée, le sms et l’e-mail étaient destinés aux personnes malentendantes. La télécommande devait permettre aux personnes alitées de pouvoir changer les chaînes de la télévision sans avoir à se déplacer.Les paramètres de contraste des écrans ont été initialement conçus pour les personnes souffrants de déficiences visuelles…
Comment intégrer le design inclusif et l’accessibilité dans le processus de création d’un produit ?
A chaque étape du design, nous pouvons être inclusif afin que l’inclusivité devienne un état d’esprit et qu’elle fasse naturellement partie de nos méthodologies.
Valoriser la diversité dès le premier pas
Dès la recherche utilisateur, veillez à inclure des personnes invalides dans vos panels, posez leur des questions que vous pourriez poser aux personnes valides mais en leur demandant les outils qu’ils utilisent. Plus important encore, comprendre la technologie d’assistance pour les personnes invalides.
En plus, ne pas oublier d’intégrer les 12 dimensions que j’ai mentionnées auparavant afin d’ouvrir la porte à tous les utilisateurs.
Dans vos wireframes, maquettes et prototypes
Pour faire rimer accessibilité, inclusivité et utilisabilité, des éléments simples mais essentiels sont à intégrer tout au long de la création d’un parcours, voici quelques exemples :
- D’abord la navigation avec le clavier, souvent négligée, rarement testée et pire encore, très médiocrement conçue, la navigation au clavier est la base d’un produit inclusif.
- Ensuite, les couleurs et leur contraste : il ne suffit pas d’utiliser une couleur comme le seul moyen visuel pour communiquer une information, il faut également veiller à ce que le rapport de contraste entre le premier plan et le fond soit suffisant. Il existe des outils et des plugins qui vous permettent de faire le bon choix comme le plugin “Color contrast analyser” pour Sketch ou “Stark” qui est un plugin de simulation de daltonisme, ou le site “Tanaguru”, qui permet de trouver des alternatives de couleurs.
- Sur mobile, prévoir une zone de touche assez large pour permettre d’atteindre sa cible, il est recommandé de prévoir 48px.
- Dans un formulaire, il est très important d’utiliser des label explicites qui permettent aux lecteurs d’écran de lire le contenu sans ambiguïté, ajouter des info bulles, des messages d’erreur bien clairs.
- Quand il s’agit des notifications ou alertes, penser à les laisser affichées suffisamment longtemps et permettre de les fermer facilement.
- Si vous souhaitez réaliser des prototypes interactifs avant le lancement afin de tester votre produit, sachez que certains outils permettent l’intégration de prototypages vocaux comme “ProtoPie” ou vous pouvez lors de vos tests prendre la place de la commande vocale pour guider votre utilisateur.
Pendant et après le développement
Pour faciliter l’échange avec les développeurs pendant le processus de développement, utiliser des outils de handoff comme “InVision” ou bien “Zeplin” est indispensable, cela permet d’avoir une meilleure qualité d’échange, sur les spec, les assets et aussi sur la partie rédactionnelle.
Les développeurs ont leur propres outils de vérification d’accessibilité, qui leur permettent de relever les anomalies et de les corriger au fur et à mesure, à commencer par “Une liste de webdesign” ou bien un guide détaillé de la platforme” w3.org” et aussi “tota11y”
Après le lancement, développeurs et designers peuvent accéder à des outils simulateurs d’invalidité comme “Funkify”, ou bien “Lighthouse” pour le web, qui permettent de générer des rapports pour identifier les problèmes mais aussi de donner des solutions pour les réparer.
Côté mobile, “Pre-launch report” permet de générer des rapports concernant la performance de votre application mais aussi sur l’accessibilité.
Veillez à mettre en place des tests utilisateurs ou à demander des retours et des commentaires sur votre produit aussi bien aux personnes valides qu’invalides.
Idéalement, l’accessibilité et le design inclusif fonctionnent ensemble pour créer des expériences qui ne sont pas seulement conformes aux normes, mais qui sont réellement utilisables et ouvertes à tous.
En tant que designer, on a tous notre part de responsabilité pour créer des parcours utilisables par tous et donc effectivement accessibles à tous. Créer pour tout le monde n’est qu’une démarche, une méthodologie, un état d’esprit à intégrer parmi tant d’autres.
Références :
UX for the Next Billion Users by google
Podcast : Google’s Annie Jean Baptiste: Building better products for everyone
Livre : Kat Holmes : Mismatch (Simplicity: Design, Technology, Business, Life)https://lh4.googleusercontent.com/CLuUmfwfQeENjuJ3IR-dk2pvxvjXYFRmR1yCznGbd3iT39-aXuJYSWS0qHUsqzXRuaTQf3Q1PmXyJj7IqWdaDLPmiSmgu94aeBgoLun4SkfrSuvI0CCWkcAxen1GD63IWukw_QNB