Le numérique responsable : retours d’expérience et pistes d’action

Le 12 février dernier, nous avons réuni quatre experts du numérique responsable pour une table ronde animée par Louis, Product Designer chez Monsieur Guiz. Lorie (Head of Ops chez Monsieur Guiz, en mission chez France Télévisions), Lang (Lead Developer chez Radio France), Sébastien (Consultant et formateur en éco-conception web chez Temesis) et Guillaume (Head of Expertise et Innovation chez Elevate) ont partagé leurs expériences et bonnes pratiques pour créer des produits plus sobres et inclusifs. Voici les enseignements clés de cet échange.

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Une maturité variable selon les organisations

Le constat est partagé par nos experts : la maturité des entreprises sur le numérique responsable varie considérablement. Comme l’explique Lorie, « la différence se fait selon qui prend en charge le sujet, à quel niveau l’ambition se met et quels moyens sont mis en place. » Cette variation s’observe notamment entre les initiatives bottom-up et top-down.

Sébastien note que « quand c’est porté par la direction, les choses vont souvent beaucoup plus vite. Le plan d’action qui en découle est plus structuré que lorsqu’il s’agit d’initiatives personnelles devant prouver leur bien-fondé. »

Guillaume apporte un éclairage spécifique sur la Green Data : « La maturité dépend de plusieurs facteurs : le secteur d’activité, où les grands groupes sont souvent plus avancés sur les sujets GreenOps et FinOps, tandis que les TPE et PME restent en retrait”. Cela dépend aussi des ressources disponibles pour embarquer, sensibiliser, fédérer, suivre et piloter les actions relatives au sujets à tous les niveaux de l’entreprise. Enfin, la pression réglementaire et médiatique joue un rôle déterminant.

Pourquoi agir maintenant ?

La réponse évidente serait « parce qu’on n’a plus le choix ». À partir du 28 juin 2025, toute nouvelle mise en production devra répondre aux critères d’accessibilité, sous peine de sanctions pouvant aller jusqu’à 250 000€.

Mais au-delà de la contrainte réglementaire, c’est aussi une opportunité business :

  • Performance accrue et meilleur référencement naturel : Lang explique que « travailler sur la performance web, c’est du concret et du mesurable. Un site plus léger et optimisé est non seulement plus rapide, mais aussi mieux référencé par les moteurs de recherche. » Une approche qui a porté ses fruits chez France Bleu, où des optimisations techniques ont amélioré à la fois l’expérience utilisateur et la visibilité du site.
  • Réduction de la dette technique : Sébastien insiste sur ce point : « L’éco-conception favorise des niveaux de qualité qui réduisent la dépendance à des librairies techniques vite obsolètes. On limite ainsi les coûts de maintenance et d’évolution. »
  • Optimisation des coûts d’infrastructure : Guillaume met en avant l’intérêt financier : « Un numérique plus sobre, c’est aussi des coûts d’infrastructure réduits. De nombreux fournisseurs cloud intègrent désormais des outils de suivi d’empreinte carbone, montrant une corrélation directe entre sobriété numérique et économies. »
  • Renforcement de la marque employeur et des exigences partenaires : Sébastien rappelle que « ces démarches sont de plus en plus prises en compte dans les critères d’achat des entreprises et dans les stratégies de marque employeur. S’engager sur ces sujets attire les talents sensibles aux questions environnementales et influence les choix de partenaires. »
  • Élargissement de l’audience et accessibilité : Lang met en avant un double enjeu : « L’impact le plus fort pour un site grand public, c’est d’assurer la compatibilité avec des anciens appareils, jusqu’à 6 ou 7 ans. Cela réduit l’impact environnemental tout en touchant un public plus large, notamment une audience plus âgée, comme sur France Bleu. » Il fait aussi le lien avec l’accessibilité numérique : « Un site plus accessible bénéficie à tout le monde. Si on prend ces sujets en compte trop tard, les corrections sont souvent coûteuses et complexes. » Sébastien ajoute : « La non-qualité coûte une fortune. Se priver d’une partie de ses utilisateurs, c’est perdre de l’argent. Prendre en compte ces enjeux dès le départ, c’est un investissement rentable. »

Une démarche transversale et progressive

Lang insiste sur l’importance d’impliquer toute l’équipe : « L’éco-conception, ce n’est pas l’affaire d’une seule personne. Si l’équipe n’est pas alignée sur le cycle de vie du projet, il sera difficile d’avancer. »

Lorie complète : « Aucune personne isolée n’aura assez de pouvoir de décision. Il faut un engagement collectif pour que ça fonctionne. »

Comment s’y prendre ?

1️⃣ La sensibilisation comme première étape

« Sans prise de conscience, il est difficile de prioriser » souligne Lorie. Les fresques du numérique, serious games et retours d’expérience sont autant d’outils pour embarquer les équipes.

2️⃣ L’identification d’alliés

Guillaume insiste sur l’importance de « créer des relais en interne, des champions qui portent ces sujets et facilitent leur adoption. »

3️⃣ L’intégration dans les process existants

Lorie recommande une approche pragmatique : « Intégrer les bonnes pratiques progressivement dans les rituels et process permet d’éviter qu’elles soient perçues comme une contrainte. Mon rôle d’Ops me permet d’évangéliser ces sujets dans plusieurs équipes, et ça change tout. »

Mesurer pour progresser

Lorie explique comment France TV a adapté son modèle de priorisation : « On a décomposé l’impact en trois scores : business, problématiques utilisateurs et numérique responsable (accessibilité et éco-conception). »

Guillaume insiste sur l’importance d’industrialiser ces mesures : « On peut intégrer des outils de monitoring carbone dans les process existants. Avoir des KPIs clairs – émissions de CO2, consommation des data centers, stockage des données – permet d’orienter les choix techniques. »

Sébastien propose d’innover sur ces indicateurs : « Pourquoi ne pas comparer les ressources matérielles utilisées avec la valeur stratégique générée ? Un KPI qui pourrait vraiment donner du sens aux choix techniques. »

Les clés de la pérennisation

Sébastien insiste sur l’importance de documenter les décisions : « Sans traces écrites dans les design systems, chaque nouvelle personne remettra tout en cause. »

Lang partage une initiative concrète : « Nous menons un atelier de value stream mapping, où nous redéfinissons tout le process – cadrage, conception, delivery et run – en intégrant l’éco-conception et l’accessibilité à chaque étape. »

En conclusion

Lorie résume parfaitement la philosophie à adopter : « Lancez-vous. Trouvez des alliés dans votre équipe et commencez, même à petite échelle. La preuve par l’exemple fonctionne très souvent. »

🎯 Pour aller plus loin :

  • Découvrez notre toolbox Notion sur l’accessibilité et l’éco-conception
  • Participez à nos ateliers pratiques sur le numérique responsable

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