Une fois par mois les équipes de Monsieur Guiz se rassemblent pour une journée de travail en groupe. Tout au long de ces journées, que l’on appelle JDA (Journée d’Agence), nous pouvons explorer une méthode, un outil ou encore réfléchir à une thématique précise. Nous voulions vous partager la réflexion sur les applications de rencontre que nous avons eu en Octobre 2021.
Pourquoi les applications de rencontre me direz-vous ? Il y a quelque chose de très concret, de familier dans une application de rencontre. C’est quelque chose dans et avec lequel nous nous investissons émotionnellement. En tant que Designer, cela me semblait un sujet parfait pour travailler et muscler nos processus créatifs.
Ainsi, en groupe, nous avons réfléchi aux interactions au sein des applications de rencontre. Que pourrions-nous proposer de différents ? Comment pourrions-nous aider les utilisateurs à revenir dans le réel de la rencontre ? Quelles interactions permettent de signaler notre intérêt à l’autre ? Cela a été au cœur de nos réflexions tout au long de la journée.
Le marché de la rencontre
Que ce soit pour rencontrer l’âme sœur ou celle/celui qui passera quelques heures coquines avec nous, utiliser un service de rencontre est rentré dans les mœurs. Si on remonte 20 ans en arrière, nous n’osions pas parler ouvertement de comment nous avions rencontré notre partenaire. Aujourd’hui, plus questions de se cacher !
Nous ne nous en rendons pas toujours bien compte, mais la rencontre, c’est un business, un marché !
Il existe plus de 2000 applications de rencontre aujourd’hui en France. Un nombre qui peut sembler important quand on regarde le top 10 dans applications de rencontre les plus utilisées par les français(es). On retrouve sans surprise Bumble, Once, Adopte un mec, Meetic, Happn ou encore Badoo. Tinder fait aussi partie de ce top 10 et est l’un des plus plébiscité.
2020 a marqué une augmentation de 15% des dépenses de la part des célibataires pour rencontrer l’âme sœur à l’échelle mondiale. Une augmentation très certainement due au contexte si particulier que nous venons de vivre. Néanmoins si on en croit Ipsos, l’aspiration des célibataires reste les mêmes : rompre avec leur solitude et trouver une relation stable, durable.
Après 20 ans d’utilisation de ces services, on pourrait se dire que définitivement, dans notre vie moderne, nous avons accepté que nos émotions, la rencontre et l’amour sont des marchandises que l’on peut acheter.
Les apps qui nous ont tapés dans l’œil
Happn
Happn est connu pour sa singularité autour de la géolocalisation. Une fonctionnalité qui est autant perçue comme un atout qu’un inconvénient. Le nombre cocasse de situation que peut générer la géolocalisation (avec les voisins, les collègues) conduit un grand nombre d’utilisateurs à désactiver la géolocalisation…
On retient : la fonction de géolocalisation.
Grindr
Grindr est l’application qui apparaît comme la plus inclusive et respectueuse de la diversité des profils. Elles offrent de nombreux modes de contacts qui peuvent être rassurants pour les utilisateurs et permettent de varier les plaisirs.
On retient : la fonction de géolocalisation, les filtres, la visio…
Tinder
Tinder reste le champion incontesté des app de rencontre. Les interactions sont simples et motivantes. Elles peuvent même être perçues comme étant ludique ou donnant du pouvoir.
Tinder ne semble pas être réservé qu’aux célibataires. On en parle avec ses amis, son compagnon (sa compagne) et on swipe ensemble les profils pour voir celui et/ou celle qui matcherait avec le célibataire de la bande.
On retient : le swipe
Love Alarm
Peut-être que comme nous, vous avez regardé ce drama coréen dont une application de rencontre est un personnage clé de l’histoire.
Nous avons beaucoup aimé le concept de l’application. Lorsqu’il y a un grand nombre de personnes présentes sur l’application, on peut envoyer un cœur à l’autre et ainsi lui signifier notre intérêt. Cela se fait dans un rayon de 10 mètres.
L’application existe réellement. Le hic, c’est qu’aujourd’hui elle n’est pas opérationnelle. Néanmoins l’interaction nous a semblé pertinente.
Se rencontrer, c’est entrer en contact avec l’autre
C’est au travers de cette notion de contact que nous sommes entrés dans le vif du sujet. S’il est acquis aujourd’hui que l’on peut partager des photos et des informations sur soi, tchatter ou autre, le retour à la réalité n’est pas toujours évident. Le concret de la rencontre, le contact réel n’est pas si simple à aborder.
Nous avons démarré notre démarche en cherchant à donner les contours de ce que pouvait être ce(ces) contact(s). Comment est-ce que l’on entre en relation, dans le champ de l’autre ?
Nous avons évoqué plusieurs types de contacts :
- Les codes de civilités (se dire bonjour, se serrer la main, faire un signe de la main…)
- Les aspects spirituels, les valeurs (échanger, partager un moment, une discussion…)
- Liés aux sens (le regard, le toucher, l’odorat, l’ouïe qui se déclinent en plusieurs types de contacts)
Nous les avons classés ensuite du plus froid (ou du plus formel) au plus chaud (plus explicite).
Les échanges lors de la classification ont été intéressants. Ils ont fait émerger les points suivants.
- Pas si facile de parler de ces différents types de contact.
- Qu’en fonction des cultures de chacun tout ceci pouvait être perçu différemment.
- Les pays latins encore très chrétiens, ou encore les cultures musulmanes ou asiatiques En fonction de l’éducation cela peut aussi avoir un impact.
- Qu’un regard peut aussi être évocateur ou explicite qu’un contact « physique ».
- Qu’une poignée de main peut être chaleureuse et explicite dans les motivations de la personne.
- Que cela mériterait une étude pour mettre tout le monde d’accord et apporter de l’objectivité.
Nous avons également parlé de ce qui était d’entrer dans la zone de la personne. Lorsque l’on se rapproche et que l’on entre dans le champ physique d’une personne. Une interaction réelle qui peut être plus ou moins plaisante ou recherchée en fonction de chacun.
À ce stade, il était difficile de voir quel type de contact pourrait être transcrit en interaction.
Les interactions proposées
Nous avons poursuivi les exercices avec un double objectif : comment au travers d’une interaction nous pouvons signifier notre intérêt à l’autre et comment nous les aidons à revenir dans le réel (sortir du dispositif de rencontre).
Pour cela, nous avons travaillé à partir de trois scénarios.
- Je suis dans la rue, les transports et quelqu’un me signale son intérêt. Comment faire, en mobilité, pour attirer l’attention de l’autre ?
- Je vais à un premier rendez-vous. J’attends la personne devant le lieu de rendez-vous. Comment faciliter la reconnaissance de l’autre ?
- Un de mes collègues a craqué sur moi. Il/elle me signale son intérêt. Comment lui dire que je ne suis pas intéressé ? Comment refuser un contact ?
Les échanges ont été nombreux au sein des groupes de travail pour trouver le bon axe et faire émerger la bonne interaction. Nous sommes passés par un long moment de scènarisation avant d’arriver à la mise en scène des interactions.
Scénario 1 : en mobilité
- Envoyer un café
Scénario initial : Je suis dans la rue, les transports et quelqu’un me signale son intérêt.
Solution envisagée : Noémie croise une personne dans la rue qui attire son attention. Elle aurait envie d’en savoir plus. Ca tombe bien, elle a du temps devant elle. Elle ouvre son app et voit qu’il est potentiellement membre aussi. Et il est encore dans un rayon de 10 m. Elle tape sur son point et réfléchit à ce qu’elle va lui proposer… Un café se serait parfait. Elle lui envoie une invitation.
- La suggestion de personnes pouvant correspondre à votre profil
Scénario initial : Je suis dans la rue, les transports et quelqu’un me signale son intérêt.
Solution envisagée : L’application de Noémie identifie qu’il y a un ou plusieurs autres utilisateurs de l’app qui ont les mêmes habitudes qu’elle. Le même bar, ils sont allés à la même expo ou ce sont rendus plusieurs fois dans le même cinéma. Lorsqu’un des profils est à proximité de Noémie, elle reçoit une notification lui indiquant que Thibault n’est pas loin. Souhaite-t-elle prendre un café avec lui ? Si elle accepte, l’application lui montre comment rejoindre Thibault dans un lieu public.
Scénario 2 : Facilité la reconnaissance de l’autre
Scénario initial : Je vais à un premier rendez-vous. J’attends la personne devant le lieu de rendez-vous.
Solution envisagée : Aider les personnes à voir où se situe leur rendez-vous Akim a rendez-vous avec Karine. Il reçoit une alerte qui lui rappelle que son rendez-vous va avoir lieu dans peu de temps. Il est temps d’y aller. Via son app, il va avoir une interface qui va lui indiquer s’il se rapproche ou pas de Karine. Lorsqu’il part vers le bleu, il s’éloigne. Lorsqu’il va vers le rouge, il se rapproche. Lorsqu’Akim est avec son rendez-vous, il a une confirmation et un message d’encouragement ou lui souhaitant un bon rendez-vous.
De la même manière Karine, pourra voir si Akim se rapproche d’elle ou pas depuis son app.
Scénario 3 : Comment refuser un contact
Pour ce scénario, nous étions au départ dans un contexte professionnel et cela à induit des biais qui n’ont pas aider l’équipe qui a travaillé sur ce scénario. Nous aurions dû sortir de la sphère professionnel et reformuler comme suit : « Comment je signifie à l’autre que je ne suis pas intéressée ? »
Cette journée dédiée à la rencontre a été riche en échanges et en exercices. Chacun peut être fier de ce qu’il a proposé et de la qualité des échanges. En 20 ans, les applications de rencontre ont fait une véritable révolution d’usage. Les interactions et les dénominations (« on a matché ») font partie intégrante de notre quotidien. On pourrait même dire qu’il y a des standards. Néanmoins, après cette journée, nous avons la conviction qu’il y a encore beaucoup de choses différentes à proposer pour cette rencontre amoureuse reste un moment doux, léger, qui réchauffe le cœur. Pour nous, une rencontre par écran interposé ne doit pas être une mise à distance de l’autre.