Du développement de logiciel à la culture Agile

« Méthodes agiles » « Approche agile » « Manifeste agile » : ça vous dit quelque chose ? L’Agilité : une alternative à la gestion de projet classique qui s’impose aujourd’hui sous toutes les coutures. Comment a-t-elle gagné du terrain sur le cycle en V, jugé trop rigide ? Jusqu’où peut-elle aller ? Récit d’une culture du changement à la conquête de nouveaux territoires.

Naissance de l’Agilité dans le monde de l’IT

Début des années 90, des individus issus du domaine de l’informatique font face au même constat : l’organisation traditionnelle « cycle en V » doit s’adapter au rythme imposé par un environnement de plus en plus concurrentiel. Afin de répondre à la réalité du marché, il faut pouvoir développer un logiciel facilement et rapidement. En clair, être plus réactif pour réduire le Time to Market, c’est-à-dire le temps nécessaire avant de lancer un produit. Comment ? Grâce à un nouveau mode de gestion de projet que chacun de ces développeurs expérimente de son côté. Parmi elles, la publication de la méthode Rapid Application Development (RAD) marque un premier pas vers l’Agilité que l’on connait aujourd’hui. Elle est décrite par son auteur James Martin comme la méthode idéale pour accélérer le développement d’un logiciel. Cette technique inspire d’autres modes de gestion à l’instar de la Dynamic Software Development Method (DSDM) en Grande Bretagne qui propose une version plus structurée. Celle-ci introduit une démarche itérative et incrémentale, notions clés de l’Agilité. En clair, le produit est découpé en plusieurs cycles de développement. A chaque cycle (itération), une nouvelle version du produit est livrée (incrémentale). La différence avec le modèle classique ? Le produit, même non abouti, est déjà utilisable.

Plusieurs méthodes, un seul manifeste Agile

À la veille du nouveau millénaire, ces informaticiens confrontent leurs publications respectives où de nombreux points communs apparaissent. Le rival du cycle en V est officiellement né. On ne parle pas encore de culture agile mais plutôt de « Light methodologies« . Face à ces nombreuses similarités, 17 penseurs se réunissent en 2001 pour créer LA méthode de développement de logiciel. Résultat : on ne peut réduire cela à une seule méthode mais à 12 principes généraux qui reposent sur 4 valeurs essentielles. On appelle cela le Manifeste Agile.  

  • Les individus et leurs interactions plus que les processus et les outils.

Favoriser la communication d’équipe plutôt que remplacer une méthode par une autre.

  • Un logiciel qui fonctionne plus qu’une documentation exhaustive.

Satisfaire l’utilisateur plutôt que répondre au brief client.

  • La collaboration avec les clients plus que la négociation contractuelle.

Être un partenaire de confiance plutôt qu’un exécutant.

  • L’adaptation au changement plus que le suivi d’un plan.

Valoriser le produit plutôt qu’avancer sur une check-list.

Le Manifeste Agile est officialisé. Les valeurs de la culture Agile se diffusent au fil des années et de nouvelles méthodes la conduisent au delà des frontières de l’IT…

L’Agilité, un incubateur pour les start-up ?

Début des années 2000, une dizaine de méthodes agiles font leur apparition dont les plus populaires : eXtreme Programming avec l’intégration continue et Scrum, le « framework » de la gestion de projet. Quand l’Agilité prend son envol dans le monde de l’informatique, les projets aboutissent. D’après le Chaos Report publié régulièrement par le Standish group, rapport qui présente un état des lieux des projets en développement logiciel, on remarque qu’un projet sur deux doit être challengé pour aboutir indépendamment de la méthode utilisée. Cependant l’agilité qui permet de s’adapter à un taux de réussite nettement supérieur à la méthode du cycle en V (39 % contre 11 % en 2015).

etude agilité

Forte de son succès dans l’univers du logiciel, la méthode de projet par l’Agilité inspire des start-up dans les années 2010 qui sont devenues des références. Ces nouveaux acteurs du digital s’imprègnent des valeurs du Manifeste Agile et viennent alors concurrencer des entités bien plus développées. Exemple célèbre : le management horizontal de Spotify. La plateforme musicale cultive dès ses débuts l’autonomie auprès de ses équipes. La firme poursuit aujourd’hui sa route de l’innovation. Elle suit les mouvances du marché en se réinventant chaque jour. Autre acteur incontournable : AirbNb et ses directives inversées où les employés peuvent soumettre une idée auprès de la direction qui prend le rôle de conseiller. La coopération et l’entraide entre les collaborateurs est vivement encouragée et source de performance.

Ce mouvement révolutionne les modes d’organisation et déclenche une vague de curiosité chez les grands groupes.

Quand les grandes entreprises s’agilisent

Si l’Agilité a grandi au même rythme que de célèbres start-up, les grandes entreprises doivent elles se réinventer. Dans un premier temps, elles réagissent en agilisant leurs équipes techniques afin de proposer des produits de meilleure qualité et de répondre aux nouveaux besoins marketing. Lesquels ? Ceux de suivre une clientèle de plus en plus volatile dans un monde digital où les usages changent à une vitesse fulgurante.

Le marketing et la technique : deux mondes, deux visions parallèles qui doivent entrer ensemble dans la transformation digitale. La direction marketing fonctionnait avec un besoin client figé du début à la fin du projet. Mais dans une grande entreprise, il manque une synchronisation entre les différentes directions et une vision produit commune. Il faut une nouvelle approche et cela implique des modifications dans la construction des équipes, son organisation, ses modes de fonctionnement, le rapport au travail… On arrive à un changement profond de la culture d’entreprise ! Exemple récent : la filiale Renault Digital créée dans un esprit agile et qui fonctionne en mode start-up avec des petites équipes pluridisciplinaires (Agilité, User Experience & Design, Data…). Une cellule qui booste la culture agile au sein d’un grand groupe. Sachant qu’il faut au moins 2 ans pour mettre une voiture sur le marché, il faut inévitablement s’ajuster aux nouvelles attentes utilisateurs qui surviennent pendant ce laps de temps. Les besoins changent, la voiture s’adapte, l’organisation se transforme !

Pour réussir ce changement, une relation de confiance doit s’instaurer. Des échanges réguliers entre les deux parties vient remplacer l‘effet tunnel, où le client n’est impliqué qu’au début et à la fin du projet. L’équipe technique offre donc plus de visibilité au marketing et se réadapte plus facilement face aux changements. Le budget et le délai restent les mêmes, seul le périmètre change.

différence cycle en v agilité

Après le développement de logiciel, l’Agilité a trouvé sa place dans le monde du marketing. Elle s’est imposée comme un levier incontournable pour réussir sa transformation digitale.

Et demain ? 

Une nouvelle question se pose maintenant. L’Agilité peut-elle s’implanter dans toutes les organisations ? Oui, on peut considérer que si vous développez un produit, un service, une stratégie qui a vocation à évoluer ou s’adapter, l’Agilité à sa place. Être Agile, c’est avant tout un état d’esprit. Coacher et former les équipes est donc indispensable à une bonne agilisation. Un apprentissage plus connu sous le nom de Lean management, initié par les usines Toyota dans les années 1970. On observe et on optimise les processus existants pour maximiser la satisfaction client. Cela passe par la motivation et le succès des collaborateurs. Une philosophie du changement que rejoint la méthode Kanban et ses flux tirés, basés sur la consommation de l’utilisateur. On peut aller plus loin en imaginant l’Agilité toucher d’autres secteurs comme l’éducation. On peut citer Christian den Hartigh, prof de français qui s’en inspire pour enseigner autrement. Grâce notamment à l’utilisation d’un Kanban et à la formation de petits groupes d’élèves autonomes. Ils sont encouragés à expérimenter, prendre des risques et apprendre de leurs erreurs dans un processus itératif. Un mode de pensée influencé par des méthodes agiles : Scrum, XP (Xtrem Programing), Kanban, Lean mais aussi par d’autres concepts comme la permaculture et la psychologie cognitive. L’Agilité s’invite aussi dans la sphère familiale avec des programmes comme celui vendu par le conférencier Bruce Feiler chez TED. Celui-ci revendique l’utilité de l’Agilité pour débloquer des situations, permettre aux enfants de réfléchir par eux même, d’atteindre leurs objectifs, partager les valeurs familiales… Bâtir ses fondations dans l’univers informatique, répandre l’esprit start-up au sein de grands groupes, intégrer une stratégie marketing : l’Agilité s’inscrit dans de nombreux mouvements. Elle participe avec force à la transition digitale. Une transition qui touche les comportements et les usages tout comme les organisations des entreprises. Adopter l’Agilité, ce n’est pas remplacer une méthode par une autre mais insuffler de nouvelles valeurs et principes pour repenser son organisation. Une culture, des méthodes, des outils : votre transformation. Et vous, où en êtes vous ? Avez vous adopté la culture Agile ? 

Romain
Le Bihan

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